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lundi 26 janvier 2015

Chapitre 1 suite : Ce n'est plus notre Europe



Si l’austérité et la déflation gagnent toute la zone euro, l’Europe ne les doit qu’à elle-même. Ce sont les choix des Etats, et de l’Allemagne en particulier, de la Commission Européenne et des technocrates bruxellois qui ont aggravé la situation économique. Le diktat allemand de réduction des dettes publiques risque d’entraîner notre continent dans une crise sociale qui pourrait rappeler de très mauvais souvenirs. La situation de l’Allemagne est plus mauvaise que ce l’on veut bien nous dire, et ce malgré un taux de chômage inférieur à celui de la France et un zéro déficit du budget public. Ce tableau idyllique est contrasté par d’autres éléments bien moins flatteurs. Des inégalités sociales et une pauvreté qui s’accroissent fortement (22,2% des Allemands ont un salaire horaire inférieur à 2/3 du salaire horaire médian contre 6,1% en France – Le Monde Supplément des 17-18/02/2015, le taux de pauvreté est passé de 12,2% en 2005 à 16,1% en 2013 – Source Eurostat), une démographie vieillissante, un développement du temps partiel soutenu (21,7% en Allemagne contre 13,6% en France – OCDE), une durée du travail plus faible qu’en France (1397 heures annuelles contre 1479), un taux de femmes actives inférieur (45,3% des Allemandes travaillent à temps partiel contre 29,8% des Françaises), sans oublier un délabrement général des infrastructures publiques dû à des investissements publics en chute libre (22,3% du PIB en 2000 et 17% en 2013). Par ces chiffres éloquents, nous pouvons constater que le miracle allemand n’est pas destiné à durer et que sa politique d’austérité partagée n’a pour but que d’empêcher ses partenaires à montrer qu’il existe d’autres voies.
Dégageons-nous de la logique des normes budgétaires et monétaires européennes. L’austérité, c’est l’enrichissement des plus riches et la précarisation du plus grand nombre, il suffit de voir les résultats en Grèce et en Espagne. La concurrence à l’intérieur de l’Europe, c’est la prédominance assurée des logiques économiques américaines et asiatiques. François Hollande avait fait d’une réorientation européenne un des piliers de sa campagne présidentielle de 2012. Il avait la volonté de faire bouger les lignes en dénonçant le caractère néfaste des politiques d’austérité. Entre 2008 et 2012, celles-ci avaient malgré tout creusé les déficits de 62 à 85 % du PIB de la France. Les responsables de l’Union européenne estiment que cette crise est due à un manque de compétitivité de nos entreprises, elle-même engendrée par un coût du travail exorbitant. Ils se trompent. Des centaines de millions ont été distribués… pour quel résultat ? L’Europe est en grande difficulté et si la création d’une monnaie unique aurait dû être un élément de développement, elle n’est en réalité qu’un poids supplémentaire parce que nous avons renoncé à notre souveraineté monétaire en omettant de créer une union économique et fiscale. L’existence d’une multitude d’impôts sur les sociétés ne permet pas un accroissement des recettes, au contraire, elle incite à l’optimisation fiscale et renforce la concurrence entre les pays européens.
La réforme des institutions est incontournable si nous souhaitons retrouver des marges de manœuvre et recréer des liens entre l’institution et les Européens. L’Europe souffre avant tout d’un déficit démocratique et d’une domination économique et politique de l’Allemagne. François Hollande a échoué dans sa volonté de revisiter les traités de 2012.
Nous devons faire passer l’Europe d’une logique de concurrence à une logique de coopération. Cette priorité nous permettrait de réaliser que nous Européens sommes la première puissance mondiale (l’Europe a un excédent commercial de 320 milliards de dollars, contre 200 pour la Chine et 120 pour l’Arabie Saoudite). Nous devons à tout prix éviter une Europe qui s’entretue non par les armes, mais par les marchés.
La décision en ce début d’année 2015 de Mario Draghi, le Président de la Banque Centrale Européenne, de racheter 1140 milliards d’euros de dettes d’ici septembre 2016, peut-elle inverser la tendance et relancer l’économie européenne ? Elle rompt de toute évidence la logique monétaire d’austérité prônée par Angela Merkel. Cette création monétaire devrait éviter la déflation et redonner confiance aux marchés financiers, mais sans une union politique et budgétaire de la zone euro, il est à craindre que la relance soit bien modeste. On ne peut pas tout demander à une banque centrale. La mutualisation de la dette ne se fera qu’à hauteur de 20%, et non de 60% comme il avait été proposé, le reste devra être assuré par les banques centrales nationales. On est encore loin de l’union bancaire, mais nous sommes obligés de nous réjouir de cette avancée. Il ne faudrait surtout pas s’arrêter à ce seul assouplissement monétaire car d’autres instruments financiers doivent être activés comme la politique budgétaire et fiscale : une monnaie unique avec dix-huit dettes publiques et des taux d’intérêt différents est une source d’instabilité. L’afflux de monnaie décidé par Mario Draghi ne doit pas alimenter des bulles spéculatives mais relancer l’économie réelle. Avec cet argent peu cher, il devrait y avoir une envie de prêter aux entreprises et aux consommateurs (à la condition que ceux-ci recherchent des financements). En définitive, la réussite de cette décision de la BCE dépend d’une politique d’investissement vertueuse, c’est-à-dire vers les marchés d’avenir comme la transition énergétique. Verra t-elle le jour ?
La victoire électorale, en Grèce, de Syriza est une chance pour l’Europe du sud. Reconnaissons que le traité budgétaire de 2012 était une erreur et trouvons rapidement d’autres perspectives politiques ! François Hollande a raté son entrée européenne juste après son élection, la Grèce lui donne la possibilité de relancer une refondation démocratique de la zone euro sans laquelle nous risquons de réelles déconvenues électorales. En maintenant ces politiques d’austérité, les majorités démocratiques au pouvoir vont être toutes balayées les unes après les autres par des mouvements populistes ou par des rassemblements citoyens du type Podemos.