Les communaux ou
en anglais « collaborative commons » ou biens communs ou communs est
une forme de gouvernance qui a existé aux époques féodale et médiévale. Ils
organisaient la vie économique. Nous assistons au renouveau de cette pratique
de gouvernance qui implique la proximité, et une relocalisation des décisions
par des citoyens émancipés. Les communs sont des ressources matérielles (eau, terre,...) ou
immatérielles (licences libres, codes génétiques, Wikipedia) qu’il s’agit de préserver ou de développer. Ils se définissent en
fonction de leur partage, de leur accès et de leur circulation. Un bien peut
devenir un commun puis ne plus l’être à l’avenir, il peut aussi être réservé à
une communauté et ne pas être en accès totalement libre pour tous. Il n’y a pas
forcément d’idée d’intérêt général. Un commun n’est jamais un bien propriétaire,
il ne peut être utilisé n’importe comment et détruit. On en a simplement l’usage
selon des règles établies. Il serait temps que l’Union européenne protège ces
biens communs par une législation spécifique.
Les
communaux doivent prendre le pas sur les enclosures, et sortir de ce
particularisme dans lequel nous vivons depuis plusieurs siècles et qui ne sont
rien dans l’histoire de l’humanité. Le point central de cette nouvelle théorie
est bien la notion d’abondance car sans elle la lutte pour l’appropriation des
biens rares nécessitent une gestion capitaliste ou étatique et non pas
autogérée. Le capitalisme a besoin d’un marché organisé de manière pyramidale
mais le marché « libre » n’a pas besoin du capitalisme. Au Moyen-Age,
il existait des marchés dit libres pour échanger les produits fabriqués par les
artisans ou cultivés par les paysans. La propriété et le travail étaient
étroitement liés. Plus tard, avec l’arrivée du capitalisme il a fallu séparer
le capital du travail et imposer les intermédiaires. Le salariat était né,
ainsi que l’exploitation par l’homme et pour l’homme. Aujourd’hui le
capitalisme est menacé par sa réussite et les inégalités qu’il génère. Les
monopoles des XIXème et XXème siècles sont en danger par une déstabilisation provoquée par l’Internet des objets et l’élimination des intermédiaires due aux
économies d’échelle latérale. Nous allons muter très progressivement d’une organisation verticale
avec des entreprises capitalistes à des réseaux à intégration latérale avec des
communaux collaboratifs.
Une organisation
fondée sur l’intérêt de la communauté plutôt que sur les seules satisfactions
des désirs individuels. Cette nouvelle organisation de la vie économique proviendra d’une réduction des écarts de
revenus, d’une démocratisation de l’économie mondiale et de la création d’une
société technologique durable. Nous devrions assister à l’éclipse du
capitalisme, à sa spécialisation, mais pas encore sa disparition. Pendant
encore plusieurs décennies, il y aura concurrence entre les deux paradigmes.
Dans un proche avenir les capitalistes et les communaux cohabiteront, les
premiers représentant l’argent et le pouvoir économique, les seconds les
citoyens et les Cités. Une cohabitation qui ne pourra se pérenniser, il faudra
alors que l’un ou l’autre démontre sa prédominance. Alors l’accès illimité et
gratuit aux biens et services partagés sur des réseaux auto organisés ayant
eux-mêmes une gouvernance démocratique et participative fera la différence.
Personne ne peut
contester l’accès libre des biens publics, il faut simplement se mettre
d’accord sur la définition. Le marché a déjà démontré à maintes reprises son
incapacité à gérer des biens publics. Qui mieux que ceux qui y vivent peuvent
les gérer ? Le citoyen participatif est responsable de ce qui le concerne,
bien davantage que le fonctionnaire ou le capitaliste. L’Homme n’est pas un
être individualiste aux visées exclusivement utilitaristes, il est avant tout
un être social et ce n’est pas deux siècles de capitalisme qui y mettra fin.
Les responsables politiques et l’avant-garde du mouvement doivent mettre les
communiers, acteurs des communaux, dans les conditions optimales. La nouvelle
génération de citoyens communiers va privilégier l’accès aux produits ou aux services à la propriété.
Internet est la
nouvelle place publique ouverte à tous et doit être considéré comme faisant
partie des communaux. La neutralité du réseau est indispensable
pour garantir des communaux des communications ouverts et universels. Au-delà
du fait que l’accession à Internet ne serait plus égalitaire, et serait
fonction d’un critère financier, cette situation bloquerait le développement de
nouvelles applications et de nouveaux services pour chaque internaute. Il faut
refuser des mécanismes discriminatoires, et si les citoyens doivent se
mobiliser, seul l’Etat peut faire valoir son veto. Nous sommes à un moment clé
de cette lutte entre les communiers et les multinationales capitalistes.
Google,
Facebook, Twitter exploitent les communaux à des fins commerciales, tandis que
Wikipedia et Linux restent dans la philosophie initiale fidèle à la gouvernance
communaliste. Les nouveaux poids lourds de l’Internet sont-ils des
dangers pour une accession libre à Internet ? Certainement si leurs
positions devenaient monopolistiques, les Etats et les organisations internationales
devraient alors trouver des parades avant qu’il ne soit trop tard. Par exemple,
il faudrait considérer que le moteur de recherche de Google est devenu un
communal et que son activité soit transformée en société d’utilité publique
mondiale.
Dans son dernier
livre Jeremy Rifkin développe l’idée que l’Internet des objets, autour de la
matrice énergie consommation, doit être géré de manière communaliste car cette
nouvelle révolution « est lubrifiée plus par le capital social
que par le capital financier, se déploie latéralement et s’organise sur un mode
distribué et collaboratif » (« La
nouvelle société du coût marginal zéro » p.288). Ce modèle est très
différent de ceux portés par les Ière et IIème révolutions qui étaient
verticaux et s’appuyaient sur des entreprises de plus en plus centralisées et
des marchés toujours plus consuméristes.