Il existe aujourd’hui de nombreuses
théories sur le travail vers 2050. D’après une étude de l’ANACT (Agence Nationale
pour l’amélioration des conditions de travail) il existe quatre tendances. Tout
d’abord, la fin du bureau avec la généralisation des lieux de production atomisés,
les actifs se retrouvent chez eux dans des espaces de coworking ou dans tout
espace de vie connecté. Ensuite, les parcours professionnels ne sont plus linéaires,
on alterne des temps de travail, de formation et de loisir. La notion de départ
à la retraite fait partie du passé, chacun est libre de sa participation à la
vie économique de la société. Troisièmement, la gouvernance économique a connu
une révolution, le chef a disparu. L’organisation du travail est latérale et
collaborative. Enfin, la production en grande série est effectuée par les
robots ou des ordinateurs. Le développement de l’imprimante 3D est généralisé
et il n’est pas rare de visiter une entreprise sans personnel. La différence
entre l’automatisation et la robotisation provient que le second processus ne
vise pas à ce que le robot produise mieux que l’Homme mais le remplace pour des
activités plus valorisantes. Toutefois, si la robotisation est une évolution
logique de notre société, la manière dont nous allons nous en servir n’est pas
encore aussi lisible. Elle peut être un nouvel esclavagisme ou un système
libérateur et émancipateur. Le capitalisme ne va pas accepter facilement que
cette mutation technologique le dépouille de sa main mise sur le travailleur.
Dans l’économie capitaliste il y avait celui qui crée, qui finance et celui qui
vend sa force de travail. Et, tout le monde y trouvait un intérêt plus ou moins
enrichissant. Avec cette mutation le système a commencé à se fracturer, sans
consommateur plus de production. C’est par conséquent toute la centralité du
travail dans notre société qui va devoir être revisité. Si le robot ne mange
pas, ne dort pas et ne prend pas de congés, ce n’est pas lui qui achètera les
plats cuisinés qu’il aura préparés, qui achètera une bonne literie et qui
s’agglutinera autour des piscines de clubs de vacances ! Il ne faut donc
pas que les patrons de multinationales savourent trop vite les
conséquences en matière de profit pour avoir remplacé des ouvriers
revendicatifs par des robots sans conscience.
Le marché mondial de la robotique va représenter
plus de 55 milliards $ en 2025. La France est loin derrière, les américains,
les japonais, les allemands ou les coréens. L’émergence d’une économie
robotique « la rébolution » est inéluctable, son champ d’action est
de plus en large, du médecin à l’agriculteur, du gardien de prison au maçon.
Peu de métiers, des plus spécifiques aux moins qualifiés ne seront épargnés.
Nous comptions 125 robots industriels pour 100 000 salariés lorsque les allemands
en comptaient 282, loin derrière les coréens avec 437 (IFR Statistical
Department). Cette faiblesse française est due à la situation industrielle. Aussi, notre retard actuel est un moyen de nous positionner sur les marchés porteurs,
et en particulier sur le marché des objets connectés. L’intérêt est de passer
d’’une fonction de back office à une fonction de front office en générant de
nouveaux services. Toutes les études démontrent l’intérêt économique de la
robotisation, en particulier en matière d’amélioration de la
compétitivité-prix, mais a t-on réellement intégré la dimension de
l’emploi ? Selon une étude de l’Université d’Oxford, un métier sur deux
est menacé par les robots. Nous ne pouvons pas nous opposer à cette lame de
fond, il faut par conséquent s’y préparer et surtout ne pas croire ceux qui
affirment que la technologisation de l’économie a permis de créer toujours plus
d’emploi et qu’il en sera ainsi à l’avenir. Jusqu’à ces dernières années le
remplacement de l’Homme par une machine permettait une économie, l’argent étant
alors réinjecté. Ce n’est plus la réalité, les multinationales réalisent des
profits plus importants qu’elles réinvestissent dans la finance malgré les
nombreuses incitations fiscales. Il est fort à parier que les dernières
décisions du gouvernement de Manuel Valls d’exonérer à hauteur de 140% les
investissements de toutes les entreprises ne soient pas plus un succès que les
précédentes aides. Si la question n’était pas suffisamment grave pour
l’équilibre de notre société, nous pourrions rire des affirmations de nos
responsables politiques sur le retour au plein emploi. Il nous faut nous
préparer au contraire à vivre sans emploi industriel et à voir disparaître de
nombreux emploi de service. La croissance lente mais continue de la robotisation
de notre économie nationale est la preuve de la faiblesse d’investissement des
entreprises, des freins culturels et des résistances sociales, nous pourrions
nous en féliciter si cela favorisait la tout simplement. Le robot, du mot
tchèque « robota » qui signifie « travailleur dévoué » ou
« esclave », acquiert une intelligence pour qu’il soit moins
spécialisé et qu’il ne se limite pas qu’à une seule fonction. Sans être
idyllique le monde du travail à venir n’aura plus rien à voir avec celui que
nous connaissons. La formation initiale puis professionnelle, l’emploi, la
retraite ne seront plus vécus comme un enchaînement naturel de notre vie, une
sorte d’histoire écrite avant qu’elle ne soit vécue. Le robot, partenaire
artificiel, peut nous débarrasser des tâches pénibles et ennuyeuses, et libérer
l’Homme sans oublier la sensibilisation et l’adaptation de notre jeunesse.
Les gains de productivité dus à la
robotisation ou à l’informatisation des process permettent de produire
davantage avec des moyens humains largement réduits. Si nous n’agissons pas à
court terme sur la durée du temps de travail, « l’ordinatisation »
des métiers va tuer l’emploi à petit feu. Ce partage est nécessaire mais loin
d’être suffisant car nous ne réduirons pas de manière importante le chômage en
travaillant moins. La robotisation va entraîner une mutation de nos modes de
vie et doit être mise au service de la frugalité consommatrice et pas à
l’accroissement des bénéfices des entreprises.