2.
Sortir de la logique de croissance
La croissance est aux abonnés
absents / La politique soi-disant salvatrice de l’offre / Le progrès est-il
infini ? / Croissance et inflation / Et si l’absence de retour durable de
la croissance était une bonne nouvelle ?
En entendant le Premier Ministre Manuel Valls nous
rappeler très régulièrement qu’il n’y a pas d’alternative à la politique
gouvernementale, il me revient à l’esprit le nom de la responsable politique
qui a incarné le capitalisme de la fin du XXème siècle : Margaret Tatcher.
Elle avait pris pour slogan de sa politique d’austérité : « There is
no alternative » (TINA). Les majorités qui nous gouvernent depuis
plusieurs décennies proviennent de familles politiques différentes mais leurs
politiques ont une même inspiration. Il faut tout faire pour avoir un maximum
de croissance car sans elle notre société est condamnée à péricliter. Ne
faisons-nous pas fausse route et n’arrivons-nous pas au bout de cette période
intermédiaire ? Le capitalisme, et pourquoi pas le socialisme de la
production, sont-ils sur le point de devenir des théories du passé ?
La croissance est aux abonnés absents
Le
gouvernement socialiste s’évertue à nous faire croire que la croissance va
revenir, comme le faisait les précédents gouvernements sous des majorités
différentes. Ils nous trompent depuis tant d’années et depuis autant d’années
ils essaient d’acheter la paix sociale par des déclarations qui ne sont mêmes
plus écoutées par le peuple. Notre croissance est quasiment nulle, et ce n’est ni
la santé économique européenne, ni les diktats de l’Allemagne qui vont nous
aider. Il est temps d’expliquer aux Français que la croissance est au mieux
modérée, autour de 1%, et que même une poussée inhabituelle ne permettrait en
aucune façon de retrouver le plein emploi. Le Pacte de responsabilité du
gouvernement Valls pourra au mieux créer 200 000 emplois seulement. Que vont
devenir alors les millions d’inactifs qui sont au bord de la route et qui se
rendront compte une nouvelle fois que toutes ces promesses ne valaient rien. Il
va bien falloir un jour avoir un discours de vérité : pas celui que l’on
nous sert constamment sur les efforts que nous allons tous devoir faire, mais bien
un discours économique sur la théorie de la croissance.
L’économie
est une science et les derniers travaux de Thomas Piketty apportent des analyses
précises sur la croissance des deux derniers siècles. Depuis le début de l’ère
moderne, la croissance normale est de 1 à 1,5% par an, au-dessus nous nous
retrouvons dans des périodes exceptionnelles, comme celle de l’après guerre
pour l’Europe ou de rattrapage accéléré pour la Chine de la fin du XXème
siècle, avec 3 % ou plus. Une croissance de l’ordre de 0,1 à 0,2% quant à
elle ne transforme quasiment pas la société, et se pose alors un problème de
répartition et de redistribution des richesses. Pour les décennies qui viennent
la croissance mondiale sera de nouveau autour de 1% si de nouvelles sources
d’énergie permettent de remplacer les actuelles. Avec 1% de croissance
annuelle, une société se renouvelle profondément mais ne résout pas la pandémie
du chômage de masse. Sur trente ans, soit un peu plus d’une génération, la
croissance cumulée est de l’ordre de 35% et permet l’apparition d’un monde
économique totalement différent. Que de changements dans notre vie quotidienne
depuis l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir, et sans avoir les taux de
croissance des Trente Glorieuses ! Cette période est trompeuse car,
inscrite dans notre imaginaire collectif, elle nous permet de croire qu’il est
possible de retrouver cette forte croissance. Rappelons qu’elle était la
conséquence de conflits militaires sans précédents. Tout cela est illusoire,
cet âge d’or est derrière nous et un retour d’une telle croissance serait la
conséquence d’un nouveau conflit militaire majeur, bref le risque d’une
évolution mortelle pour la planète.
Il n’est
pas question de nier qu’il vaut mieux une croissance de 1% qu’une croissance
nulle, et qu’elle génère des bienfaits, mais fonder toute une politique sur un
retour de la croissance et ce dans un monde de sous-emploi et de pollution est
au mieux une erreur de diagnostic, ou au pire une faute grave qui mérite le
renvoi de ceux qui nous gouvernent. Avec des taux de productivité de l’ordre de
3% par an et une démographie qui génère un solde entrants / sortants du marché
du travail toujours positif, une croissance « normale » serait de
toute façon insuffisante. Alors avec une croissance aux abonnés absents …
Notre
richesse n’est plus dans la croissance matérielle ou dans l’accumulation des
biens. Nous vivons la fin de l’économisme triomphant.