La principale différence entre l’économie
classique dans laquelle nous vivons et l’économie dite positive provient que
cette dernière se développe dans l’intérêt des générations à venir. Chaque
décision est replacée dans une perspective de long terme en tenant compte des
contraintes financières, climatiques et de cohésion sociale. C’est un choix
majeur par rapport à la logique actuelle où le court-termisme est de rigueur et
l’appât du profit une religion. C’est la fin de la cupidité des marchés. L’économie
positive n’est pas basée exclusivement sur les gains financiers, elle tient
compte des indicateurs de bien-être de la population et du Développement Durable.
Il est temps de sortir de la religion du chiffre.
En France, ce mouvement est porté par
Jacques Attali et son équipe d’experts, mais aussi de citoyens, d’ONG et de
responsables économiques, rassemblés dans le Positive Economy Forum. Jacques
Attali ne propose pas la fin du capitalisme, il suggère que celui-ci se rénove
pour survivre. Ses propositions seront-elles suffisantes ? Son cri
d’alarme sera t-il entendu ? Rien n’est moins sûr, mais il me paraît
important de ne pas négliger cette voie réformatrice. Moins de dogmatisme et
plus d’expérimentation ne seront pas inutiles pour trouver des solutions durables.
Qui peut contester cette idée que nous devons nous préoccuper des générations
futures, et qu’un peu d’altruisme dans notre société ne serait pas superflu ?
On assiste à une triple mutation en
passant d’une économie de la production à une économie de la connaissance, d’une
économie de la possession à une économie d’usage et en gérant la rareté. Le
modèle actuelle est incapable de résoudre les défis du XXIè siècle. Le
« tout actionnaire » est exsangue. Chômage, inégalités sociales,
pauvreté, endettement, tous les clignotants sont au rouge, et pourtant
l’économie productiviste actuelle avec sa financiarisation n’est pas prête de
disparaître. La mutation va prendre de nombreuses années, il y a urgence en
ce qui concerne le climat et l’environnement. Or, si l’économie positive est en
mesure d’influencer de manière conséquente les principaux acteurs économiques,
nous ne pourrons que nous en féliciter.
Dans son Rapport sur l’économie positive,
remis au Président de la République en septembre 2012 Jacques Attali pose la
problématique dès les premières lignes de la synthèse : « Le règne de
l’urgence caractérise l’économie actuelle et domine la société dans son
ensemble. Or, sans la prise en compte du long terme, la vie de nos
contemporains deviendra en enfer. L’économie positive vise à réorienter le
capitalisme vers la prise en compte des enjeux du long terme. L’altruisme
envers les générations futures y est un moteur plus puissant que
l’individualisme animant aujourd’hui l’économie de marché. » (La Documentation Française / Fayard p.16)
Tout est dit, il ne soutient pas l’idée d’une transformation du capitalisme
mais simplement d’une adaptation. Il prône un réformisme assumé pour obtenir
des résultats concrets. Il faut espérer qu’il sera entendu, même si depuis deux
ans nous n’avons pas vu le gouvernement prendre à bras le corps les
propositions contenues dans ce rapport.
L’économie positive a ses limites, elle
ne peut pas être un système unique, en tout cas pas pour le moment, mais elle a
toute sa place dans une société déboussolée par plusieurs décennies de
financiarisation de l’économie mondiale, régionale et locale. Elle ne répond
pas à toutes les questions sociétales que nous devons nous poser pour assurer
la prochaine étape du développement de l’être humain, comme par exemple la
nécessaire adaptation du marché du travail. La vision positive de l’homme, la
condamnation de l’esprit égoïste et du chacun pour soi et la promotion de la
prise en compte de l’autre sont essentielles et sont au cœur de la démarche.
L’activité économique doit avoir une utilité collective future. Chacun a intérêt au bonheur de l’Autre.
« Derrière
cette France qui semble s’assoupir un moment, derrière cet esprit public qui
semble se perdre et qui, s’il ne vous suit pas, du moins vous laisse passer en
silence, sans vous résister, mais sans confiance, il y a une autre France qui
ne s’endort pas, qui ne vieillit pas avec ceux qui vieillissent, qui ne se
trahit pas avec ceux qui se trahissent et qui, un jour, sera tout entière avec
nous. »
Lamartine (Discours à l’Assemblée Nationale le 27 janvier 1843)