Il n’y a donc pas que la
croissance pour donner un coup de pouce à l’économie en matière
d’investissement, d’emploi et de baisse de la dette publique, surtout dans la
perspective d’une société plus économe et plus humaine. Dominique Meda, la
Philosophe et Sociologue française auteure de l’essai sur « La mystique de
la croissance », plaide pour la sortie de cette logique capitaliste. Si
tous les économistes ne sont pas encore convertis, la contrainte
environnementale devrait très vite leur faire comprendre cette nouvelle limite.
Si la croissance a apporté de très nombreux bienfaits, elle a également produit
de nombreux maux que nous avons passés par « pertes et profits ».
Au cours
du siècle dernier, le monde a connu une très forte croissance démographique et
de production par habitant, comme elle n’avait jamais existé et comme il n’en
existera certainement plus jamais. Nous avons vécu une période extraordinaire.
Le XXIème siècle retrouve une double croissance plus mesurée et plus ajustée à
la capacité d’absorption de la planète, en dehors du continent africain. La
croissance démographique est déjà redescendue en dessous d’1% par an et la
croissance de la production par habitant va être de l’ordre de 3 à 3,5%
jusqu’en 2050 puis baisser à environ 1,5%. Il n’y a rien là de choquant et de
dangereux pour la planète, si les pays riches maîtrisent leur consommation
énergétique et si les pays émergents rattrapent leur retard en maîtrisant mieux
leur croissance démographique. Le retour de la croissance vécue lors des Trente
Glorieuses n’est pas prêt d’arriver. La croissance est tendanciellement en baisse,
il est par conséquent temps que les responsables politiques qui nous dirigent
cessent de l’espérer. Enfin, il est nécessaire de rappeler que le retour de la
croissance contribuerait à aggraver la menace écologique. Notre réflexion
collective doit se construire sur la durée, il est illusoire de croire qu’une
baisse de quelques centaines de milliers de chômeurs nous dégagera un horizon
plus clément. La reconversion écologique, grâce à la transition énergétique et
à la révolution numérique, est le seul moyen de retrouver des marges en terme
d’employabilité.
Encore une bonne raison pour
oublier ce court-termisme dévastateur et s’il faut accepter une stagnation ou
même une aggravation de la situation de l’emploi pour le bien-être à venir de
la planète et des générations futures, il ne faut en aucune façon hésiter. Cette
décision courageuse doit nous amener simultanément à gérer socialement ce
chômage technologique par plus de solidarité et d’altruisme. Nos responsables
politiques doivent avoir le courage d’expliquer que la croissance n’est plus la
solution à tous nos maux. Sans celle-ci, il est nécessaire de réduire
véritablement le temps de travail (et pas renouveler les erreurs des 35 heures)
ou la productivité du travail. Ce choix cornélien n’ayant pas été réalisé au
cours de cette dernière décennie, on a renforcé par conséquent le chômage.
Cette
absence de croissance doit être une occasion unique de changer de paradigme. De
la séquence AVOIR -à FAIRE -à ETRE, nous devons nous engager vers une séquence
ETRE -à AVOIR -à FAIRE. Notre quête est de rechercher à être bien et
ce avant d’imaginer ce qui nous permettrait de l’être et de faire en sorte de
l’obtenir. Nous devons nous trouver dans un état positif et non de manque. Nous
avons la responsabilité de construire autrement notre vie avec des approches
idéologiques renouvelés, un développement économique durable et des outils de
communication de plus en plus adaptés à cette prise de conscience. Le
« toujours plus » n’est plus de mise, et la société qui se profile
nous offre une alternative qu’il faudrait ne pas laisser échapper. La
croissance productiviste qui engendre profits et richesses pour une minorité
n’est plus la condition de bien-être et de progrès pour la majorité
silencieuse.
La fin de
l’économisme est devant nous, il est temps de créer un nouvel imaginaire en
occultant quelque peu en sortant de la croyance que la satisfaction humaine prévaut
sur l’équilibre entre la Nature et l’Homme. La finitude des ressources ne doit
pas nous empêcher de construire ce nouvel imaginaire. Bien au contraire !
Nous avons trop transformé le monde, il faut maintenant le préserver.
« La
fin du travail pourrait bien sonner le glas de la civilisation sous la forme
que nous connaissons. Elle peut aussi annoncer l’avènement d’une immense
transformation sociale et d’une renaissance de l’esprit humain. L’avenir est
entre nos mains. »
Jérémy Rifkin « La fin du travail »