7.
La transition énergétique et la mise à mal du gigantisme
Un dérèglement climatique à éviter
sous peine de mort / Nous souffrons de trop de pétrole / La décarbonisation de
l’économie / Le citoyen, acteur de la transition / L’énergie territoriale / Les "Smart Grids", une révolution en marche / Le
climat, une priorité absolue face au commerce international
Un
dérèglement climatique à éviter sous peine de mort
Nous vivons la 6ème session
d’extinction du vivant en 450 millions d’années. L’évolution de notre mode de vie s’est faite
au détriment de la biosphère. Cette situation ne peut perdurer, mais il est
très difficile à nos responsables politiques et économiques unis comme jamais
de prendre les mesures indispensables pour modifier les phénomènes de
destruction de notre écosystème vital.
La protection de la biosphère doit être parallèle à celle des êtres humains,
nos santés sont liées et nous l’avons trop oubliée ces dernières décennies. Il
faut retrouver du bon sens comme celui qui prévalait avant la 1ère
révolution industrielle et imaginer de nouvelles stratégies énergétiques.
Deux changements structurels risquent de
modifier profondément les politiques énergétiques dans les années prochaines.
Tout d’abord un évènement imprévu par les spécialistes, la baisse importante du
coût des matières premières, du pétrole et du gaz en particulier, qui va
remettre en cause la priorité donnée aux énergies renouvelables (EnR). Deux
conséquences immédiates, le subventionnement des EnR va devoir se prolonger car
ils ne seront toujours pas compétitifs et le coût du nucléaire, argument naturel des pro-nucléaires, va être moins attractif (sans compter les risques encourus!). Le second
changement est technologique. Une nouvelle génération photovoltaïque,
l’utilisation de réseaux intelligents, le stockage et le transport de
l’électricité, toutes ces évolutions vont bouleverser l’économie de
l’électricité. Comme pour Internet, nous nous dirigeons vers un coût marginal nul.
Des objectifs clairs doivent être établis par l’Union Européenne, la seule en
capacité de financer, impulser et contrôler une politique énergétique
réformatrice. Par exemple, qui en France peut s’opposer à l’omniprésence
d’EDF ? Qui peut limiter le développement des centrales au charbon en
Allemagne, source énergétique sûre, peu coûteuse mais très polluante ?
L’Union Européenne en a t-elle les moyens
et la volonté politique ? En octobre 2014, le Conseil des Ministres de
l’UE a défini un objectif de baisse de 40% de la production de CO2 d’ici 2030,
objectif rassurant mais qui ne tient pas compte de l’évolution récente du coût
des matières premières, des logiques économiques du monde capitaliste et des
décisions des autres puissances polluantes. La Chine est au cœur de la
problématique climatique, et refuse de limiter ses émissions de CO2 d’ci 2030.
Dans ces conditions la Conférence de Paris, la COP21, en décembre ne pourra aboutir sur
des mesures contraignantes pour tous et l’objectif d’un réchauffement
climatique maximal de 2 degrés est déjà hors d’atteinte.
En tenant compte de la situation
internationale, l’Union Européenne va devoir faire des arbitrages entre les
changements climatiques, la compétitivité de ses industries et la sécurité en
matière d’approvisionnement. Il faut ajouter que c’est un petit nombre
d’industries qui sont les principaux responsables de ces émissions de CO2.
Qu’attend-on pour généraliser le principe du pollueur-payeur ? Cette
fiscalité verte serait destinée à accentuer les efforts vers une transition
énergétique efficace et juste. Les services que rend la nature ne peuvent
rester gratuits et être accaparés par quelques uns en mesurant les coûts d’utilisation,
tout en restant très réservé sur le marché des droits à polluer. Certaines
entreprises préfèrent payer que de concevoir des outils de protection de la
nature. Il y a quelque chose de révoltant en donnant une valeur marchande à la
nature.
Une centralisation européenne des achats
et une uniformisation des réseaux de transport de l’énergie seraient des choix
classiques d’une économie du XXème siècle, toutefois d’autres pistes doivent
être étudiées en raison de l’évolution technologique. Les énergies
renouvelables peuvent inverser la tendance par une production et distribution
électriques décentralisées, mais un pétrole et un gaz bon marchés sont
susceptibles de contrecarrer une électricité verte et citoyenne et accentuer la détérioration climatique. Une nouvelle
fois nos responsables politiques ont une responsabilité majeure, vont-ils
continuer à privilégier le court-terme pour faire tourner une économie carbonée
ou engager une profonde transition énergétique ?
Toutefois, selon l’agence Bloomberg, les
investissements en 2013 en matière d’électricité renouvelable étaient
supérieurs à ceux provenant du charbon, du nucléaire ou du gaz. Et, si l’on
faisait payer par les producteurs des combustibles fossiles les dégâts sur
l’environnement, alors le solaire, la géothermie, l’éolien ou la biomasse seraient compétitifs. Le coût de l’électricité photovoltaïque a baissé de 80% ces
cinq dernières années. Et, pourtant toutes ces richesses sont à portée de main.
Une étude de l’Université de Standford a démontré que si on collectait 20% du
vent disponible dans le monde, on produirait sept fois la consommation actuelle
d’électricité.
Les EnR ne seront pas compétitives en
2020, comme prévues initialement, et le système européen d’échange de quotas
d’émissions est obsolète en raison de ce marché des matières premières. La
Conférence de Paris est primordiale car un échec dû à la Chine, mais aussi à
l’Inde, la Russie (70% de ses revenus proviennent du pétrole et du gaz) ou le
Japon, aurait un effet dévastateur en Europe. En restant dans une logique
productiviste pour quelle raison devrions-nous nous imposer un objectif carbone
lorsque les autres s’en moquent et que la situation économique européenne est
loin d’être euphorique ? Cette question serait incontestablement posée pas
les dirigeants politiques européens. La compétitivité économique serait une
nouvelle fois prioritaire sur l’avenir de la planète. Il faudra alors que les
citoyens fassent pression pour sortir de
cette logique productiviste. Il ne faudrait pas que, malgré les évolutions
technologiques majeures capables de faire des avancées sans précédent sur notre
économie énergétique, nous maintenions un statu quo entre les mains d’EDF et de
ses « nucléairophones ».