Chaque jour qui
passe, j’ai la chance de voir mes filles grandir. Chaque jour qui passe, j’ai
l’angoisse de me demander : dans quelle société vont-elles vivre ? Et
très vite, je cherche à me rassurer en me disant que malgré les risques autour
de nous, nous serons capables d’imaginer un autre monde. Utopiste peut-être,
mais je ne suis pas le seul : nous sommes déjà des millions sur Terre. Et
pourtant, lorsque nous regardons les journaux télévisés, rien ne nous permet de
penser qu’un autre chemin existe. Au contraire, on ne cesse de nous expliquer
qu’il n’y a pas d’alternative.
J’ai
voulu, à travers cet essai, imaginer dans quelle société mes filles Jade et Léna
vivront lorsqu’elles auront atteint l’âge adulte, et par quelles voies nous
pouvons y arriver. J’ai du mal à leur expliquer que la société de consommation
dans laquelle elles s’épanouissent vit ses dernières années. Peur qu’elles ne
comprennent pas, peur qu’elles me prennent pour un fou lorsque je leur parle des
raisons pour lesquelles notre société actuelle est à bout de souffle. Elles ne
sont que des adolescentes protégées. Mais, j’ai la responsabilité, avec leur
mère, de les aider à trouver leur chemin, un chemin qui soit si possible en phase
avec une société en pleine mutation.
Les gouvernements
de Droite et de Gauche se suivent et finalement se ressemblent en matière
économique, comme s’il y avait une fatalité qui les pousse à mener les mêmes
politiques privilégiant le capital. Certains avanceront que c’est le
pragmatisme contre l’idéologie et ils n’auront pas tord, mais… pourquoi
toujours au service des mêmes ? Seuls les phénomènes de société arrivent
encore à les départager, nous l’avons parfaitement vu avec le débat à propos du
« mariage pour tous ». Pendant ce temps, le monde continue à se
transformer sans que le peuple donne son avis. Les gouvernements Valls n’y
dérogent pas. Tout au long de ces années, nous avons tantôt favorisé des
politiques keynésiennes de relance de la consommation, tantôt des politiques de
l’offre au profit des entreprises avec les résultats que l’on connaît. Toujours
plus de chômeurs, toujours plus de dettes publiques et privées, toujours moins
de croissance et toujours plus de riches qui continuent à s’enrichir davantage ;
en réalité le capitalisme n’est jamais perdant. C’est dans ces périodes que le
capital rapporte le plus, alors pourquoi vouloir instaurer une autre
politique ?
Reconnaissons que
l’économie de marché a permis à tous d’accumuler des biens matériels, et a
prouvé sa supériorité sur la société dite communiste. Avec la destruction du
Mur de Berlin, certains ont cru à la fin de l’Histoire. Erreur… L’Histoire est
faite de dépassements, de « big-bangs », nous l’avions simplement
oublié depuis la Première Révolution Industrielle et l’émergence d’une nouvelle
classe dirigeante. Les nouveaux outils de communication créent une « Nouvelle
Frontière » qui doit nous permettre de dépasser le combat historique du
capitalisme et du socialisme, de la Droite et de la Gauche. Toutefois si les
conditions techniques et économiques sont remplies pour engager la grande
mutation du XXIème siècle, nos élites technocrates ne le souhaitent pas. Et il
faut les comprendre : ils risquent de perdre le contrôle. Après une
période d’adaptation et de transition, il sera possible de faire fonctionner
nos économies sans leur puissance financière, de gérer nos vies sans que l’on nous
explique ce qui est bon pour nous. Cette contribution est là pour le démontrer.
On essaie de nous
faire croire que le réel aujourd’hui est un monde dérégulé où tout est permis
et où seuls les plus forts peuvent s’en sortir. Cette situation est cependant
la même depuis des siècles et elle nous cantonne à un rôle d’être humain
infantilisé. Il existe un autre chemin vers la prospérité. Alors savoir si
Manuel Valls est social-démocrate ou social-libéral, je m’en moque totalement
et une très grande majorité de Français avec moi. Nos gouvernants peuvent aider
à accroître les taux de marge des entreprises et réduire les déficits publics,
cela ne résoudra pas la question du chômage et le désintérêt croissant de nos
concitoyens vis à vis de la chose politique. L’Europe est obligée d’engager une
relance keynésienne pour éviter la déflation et calmer les esprits ; si
elle est incontournable à court terme elle ne va pourtant pas interrompre le
processus de fin du capitalisme. Une reprise économique européenne sera un
soulagement sur le court terme pour nombre d’entreprises et de citoyens en
réinjectant de la monnaie dans les circuits de production et de consommation,
mais ne changera pas la donne pour des millions d’autres. Cet enchaînement est
enclenché, il mettra plus ou moins de temps en fonction de la résistance des
multinationales, de l’engourdissement des peuples, des nationalismes toujours
prêts à se réveiller et des dégâts sur l’environnement.
Il y a une
rupture de confiance avec les partis politiques traditionnels qui nous oblige à
construire de nouvelles coalitions de projets basées sur la participation
active des citoyens. Il nous faut offrir une alternative qui repose sur un
nouvel imaginaire politique émancipateur et innovant. La France a des atouts
considérables grâce à une démographie forte, une épargne abondante, des
avantages technologiques certain, un capital humain de grande qualité et une
nouvelle génération à forte potentialité. La difficulté va être d’assurer la
transition sans que la casse sociale ne soit trop lourde. Nous savons ce qu’il
faut faire, et nous le démontrerons dans cette contribution, mais le microcosme
politique nous permettra t-il de le faire ? Son pragmatisme et sa vue à
court terme nous ont fait échouer et ont augmenté le nombre de précaires. Un
projet de société positive est possible, il est d’une telle ampleur qu’il nécessitera
une adaptation pendant de longues années et, pendant ce temps les oubliés de la
« croissance » devront être assistés.
Occupons-nous
tous ensemble, de toute urgence, de l’essentiel.
Nous craignons
l’avenir car nous ne savons pas où nos dirigeants passés et actuels veulent
nous emmener. Le savent-ils eux-mêmes ? Les élites économiques et
politiques sont-elles des apprentis sorciers ou des vampires ?
Savent-elles où elles vont et jusqu’où elles peuvent aller sans détruire le
système qui les gave ?
La fin de
l’emploi, personne n’en parle ou presque, surtout pas nos dirigeants
politiques !
On ne changera
pas la situation de l’emploi en France même en créant 200 000 emplois grâce au
Pacte de responsabilité, le partage du travail pourrait lui en rapporter plus
d’un million ! N’oublions pas que la France a plus de six millions de
personnes sans emploi. L’entreprise doit rester au cœur du projet politique
mais une entreprise qui conçoit et produit, joue son rôle social, et non qui
recherche exclusivement le profit. La politique de l’offre peut produire des
effets positifs à court terme en redonnant des marges aux entreprises, mais à
aucun moment elle ne restaurera le pouvoir d’achat des salariés et le retour
massif à l’emploi des chômeurs. Et ce ne sont pas les nouvelles conditions
technologiques du marché qui vont modifier ces constats. J’ai le sentiment
qu’aujourd’hui, en dehors d’une dégradation des coûts du travail pour combattre
le chômage de masse, les responsables politiques du monde occidental n’ont pas
de réelles solutions pour redonner un sens à leur action et un espoir à nos
concitoyens. L’Homme n’est pas le seul à souffrir de cette course en avant d’un
matérialisme « gargantuesque », la nature et le climat sont également
touchés. Il est temps, non plus d’en prendre conscience, mais d’agir. De
simples « mesurettes » ne suffiront plus à ralentir le changement
climatique et à sauver un système économique incompatible avec l’urgence
écologique. Notre préoccupation pour les générations à venir résulte également de
la détérioration des grands équilibres climatiques. Je ne détaillerai pas dans
cet essai les raisons de cette situation car nombre de spécialistes le font à
merveille dans nombre d’ouvrages. Il est cependant évident que le changement
climatique en cours doit nous interpeler et nous obliger à tenir compte de
celui-ci dans tous nos choix politiques. Il n’est plus possible de laisser
l’économie supplanter l’écologie, et l’OMC (l’Organisation Mondiale du
Commerce) avoir le dernier mot sur la CCNUCC (Convention-cadre des Nations
Unies sur les changements climatiques). Il faut donc changer de paradigme.
Il faut assumer, revendiquer un droit à
l’expérimentation pour imaginer un nouveau projet de société. La mutation
nécessaire, et non pas la crise comme certains le prétendent, est tellement
importante qu’il va falloir du temps, beaucoup de temps. Alors n’attendons plus
pour partager nos connaissances avec les citoyens qui ont le droit de participer
à la recréation du monde dans lequel ils vont vivre.
Maintenant que nous savons de quoi nous souffrons, nous
allons pouvoir guérir.
D’après Jeremy
Rifkin dans son ouvrage « La fin du
travail », celui-ci est désormais une affaire de machines qui vont devenir
« le nouveau prolétariat » ; elles permettent de libérer les
êtres humains afin qu’ils décident de leur destin. Il est inutile de vouloir
ralentir cette mutation technologique. L’Homme a besoin de créer, d’imaginer,
cela fait partie de son ADN. Il faut profiter de cette liberté retrouvée pour
sortir l’Homme productif de son esclavage d’un emploi pas toujours
épanouissant. Le politique a le pouvoir de donner à l’Homme les moyens de sa
liberté économique, il suffit qu’il s’oppose à ce que François Hollande avait
appelé pendant sa campagne présidentielle «le monde de la finance». Ce n’est
pas vers une collectivisation des moyens économiques, comme l’avaient imaginé
les marxistes, qu’il faut aller mais vers l’élaboration d’un nouveau modèle
économique collaboratif. La situation actuelle marque l’impasse d’une économie
à bout de souffle qui s’est éloignée des besoins réels et de sa raison d’être,
l’épanouissement des êtres humains. L’ancien monde a été déclaré cliniquement
mort en 2008, avec la crise financière. Les politiques au pouvoir sont
responsables, soit par ignorance ou incompétence, soit par complicité ce qui
est pire. Leur incapacité à nous proposer une « Nouvelle Frontière »
nous révolte, il nous faut donc agir collectivement, sans perdre de temps, pour
l’avenir de nos enfants. Pour la première fois depuis la révolution
industrielle du XIXème siècle et l’apparition du capitalisme et du socialisme,
un nouveau système économique cohérent se développe basé sur le partage et la
collaboration entre des individus égaux. Et, si certains annoncent, à juste
titre, le déclin d’un capitalisme triomphateur, nous allons vivre dans la
prochaine décennie dans une économie plus en plus hybride. Il ne faut pourtant
pas croire que cela se fera sans tension et sans heurt avec tous ceux qui nous
dirigent. Nous sommes sur un chemin escarpé qui doit nous faire sortir de cet
épais brouillard dans lequel nous nous trouvons depuis bien trop longtemps.
Nous avons la
responsabilité de créer les conditions pour permettre à nos enfants de
profiter, et non de subir la mutation dans laquelle nous sommes. La volonté des
peuples de transformer la planète pour le bien commun n’est plus une utopie, à
partir du moment où la transition énergétique, la révolution numérique, la fin
de l’emploi et l’économie collaborative créeront les conditions d’une abondance
durable dans le cadre d’une société positive.
« Agissez
comme si vous n’attendiez plus rien du politique. »
Jacques Attali
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