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La Smart City
Entre urbanité et urbanisme, il faut
choisir / Quelle intelligence ? / Un écosystème bâti sur 4 piliers / Le
monde urbain de demain / L’urbanisme participatif / Les dangers du Big Data /
La Place Publique
Entre urbanité et
urbanisme, il faut choisir
Avec la crise du
logement de l’après-guerre, l’urbanisme avait apporté des réponses satisfaisantes
à un Etat centralisateur, en remodelant nos villes, en construisant de grands
ensembles et en imaginant les nouveaux espaces de consommation. Or, aujourd’hui
l’urbanisme dépend d’un modèle social et économique dépassé. Durant toutes ces
années de puis les Trente Glorieuses on a maltraité la ville et par conséquent les
habitants qui y vivaient et qui allaient leur succéder au fur à mesure des
vagues d’immigration. Or, une République égalitaire serait celle qui
accorderait un même droit à l’égalité de destin urbain pour tous, comme devrait
l’être l’école publique et laïque. La ville se comporte comme si elle était
quelque chose de naturelle, or elle n’est qu’un objet artificiel que l’on
façonne au gré des besoins économiques et des révolutions technologiques. Nous
entrons dans une période où ce n’est plus une question d’urbanisme, mais
exclusivement un plaisir d’habiter dans un lieu quel qu’il soit. Il y a
naturellement un bien fondé entre le « bien habiter » et la vie
sociale heureuse.
Cette
préoccupation ne date pas d’aujourd’hui, Diderot développait déjà une approche
globale de la ville comme lieu d’une nouvelle urbanité (du latin urbanus, exprimant le type de politesse
que produirait la ville), alliant à la fois l’intérêt économique, le bien-être
et le bon goût. Pour le philosophe, la ville était un laboratoire philosophique
(sociabilité de l’Homme), un laboratoire économique (harmonie des métiers et
des commerces) et un laboratoire politique (prise de conscience du citoyen de
la liberté et de l’intérêt général). Diderot défendait la conception de la
ville porteuse d’émancipation, de mémoire et d’avenir. Dans son livre « Mélanges pour Catherine II »,
il écrivait « Cette proximité des
hommes les lie, leur liaison les adoucit et les civilise ; c’est de ces
boutiques que sortiront tous les beaux-arts qui seront alors indigènes et
durables. » Diderot cherche à promouvoir la mixité sociale qui doit se
développer dans la ville, il veut célébrer une nouvelle sociabilité. Plus de
trois siècles après nous courons encore après cette alchimie qui doit savoir rejoindre
le beau à l’utile et au juste. La ville doit redonner toute sa place aux
ambiances, aux odeurs, aux couleurs par une succession de lieux différents, de
places, de rues, d’allées, de minéraux, de végétal, de cours d’eau… « La ville, c’est l’espace où l’on peut
enfin être soi-même » (Roland
Castro « La Fabrique du rêve »). C’est cette présence d’autrui à
l’infini qui abrite notre liberté individuelle.
C’est à partir de
cette urbanité que l’on doit imaginer la ville de demain, cet espace où
personne ne peut revendiquer la propriété. L’enjeu actuel est de réinventer cette
urbanité en profitant de tous les nouveaux outils à notre disposition, de
l’impérieuse nécessité de tenir compte de l’environnement et de l’intérêt porté
enfin à ceux qui habitent la ville. Il est fini le temps de concevoir un
nouveau modèle urbain, il est urgent de répondre aux problèmes concrets
quotidiens en engageant des alternatives radicales pour une ville durable et
intelligente. Il faut sortir du paradigme d’un urbanisme moderne qui sectorise
les fonctions urbaines et privilégie les modes de déplacement rapides pour un
paradigme plus systémique qui cherche à mieux comprendre les interactions entre
les différents phénomènes. Là encore la transition sera longue en raison de
l’inertie des infrastructures et des comportements, mais elle devrait être
aidée par un apport technologique sans précédent au service de l’Homme et non
d’un système consumériste désincarné.