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mercredi 18 février 2015

Chapitre 3 DES TERRITOIRES ET DES POPULATIONS DÉCLASSÉS - La fracture territoriale


3.

Des territoires et des populations déclassés

 

La fracture territoriale / La désindustrialisation sauvage / Quel nouveau contrat social ?

La fracture territoriale
Un territoire est tout autant un espace géographique que national, régional ou local, c’est un cadre pour mener des projets collectifs de développement. Or, en dehors des espaces métropolitains, on a le sentiment que ces projets collectifs sont en voie de disparition parce que la puissance publique n’a plus les moyens de les financer. Depuis plus d’un quart de siècle, les différentes crises ont été amorties par les aides publiques, la présence de l’Etat et des collectivités. Ils ont permis aux territoires de maintenir un développement artificiel. Les déficits publics et le sevrage des crédits empêchent désormais de poursuivre cette politique d’assistance généralisée. C’est ainsi que la crise des finances publiques ne fait qu’aggraver la situation économique d’une France colbertiste, c’est-à-dire centralisatrice.
Si la croissance est génératrice d’inégalités - il suffit de voir l’expansion des métropoles - elle a profité malgré tout à l’ensemble des territoires, par des politiques redistributives généreuses. L’économie de ce début du XXIème siècle n’est plus centrée sur les zones à bas coûts de main d’œuvre mais bien sur les zones métropolitaines où sont déjà concentrées les élites. Tout se vit et se décide dans les grands centres urbains. La ségrégation est en marche et la désertification ne proviendra pas de l’abandon de nos terres agricoles mais de notre réseau de villes moyennes périurbaines qui constituait la richesse de notre pays. La mondialisation capitaliste est en marche et ravage tout ce qui est faible ou devenu tel : organisations, territoires et êtres humains. Elle engendre également la montée inexorable des populismes. La volonté de réduire les dépenses publiques pour les rapprocher de la norme européenne est techniquement possible mais entraîne une déflagration pour cette France qui est déjà en grande difficulté. Va t-on laisser ces territoires sinistrés aux mains de l’extrême droite, les faisant passer par « pertes et profits » d’un pays qui doit être au soi-disant rendez-vous de la mondialisation ? Le retour à l’efficacité économique et le maintien de notre modèle social doivent-ils engendrer une inégalité territoriale dévastatrice ? L’aménagement du territoire et les investissements publics doivent être maintenus, c’est une question de survie républicaine. La responsabilité du politique est de faire des choix, surtout lorsque la période est délicate comme celle dans laquelle nous nous trouvons. La réduction des déficits publics va automatiquement pénaliser les territoires ruraux et périurbains par moins de recettes et avantager les territoires riches, et par conséquent les métropoles, par moins de prélèvements. Celles-ci sont bien les moteurs du peu de croissance que l’on est encore capable de dégager mais elles conduisent aussi à une catastrophe en terme de mode de vie consumériste. L’urbanisation excessive, les rythmes de vie effrénés, les pertes de repère culturel sont les principales causes d’un mode de consommation déconnecté du bonheur.
Il existe aujourd’hui une fracture territoriale, et non plus régionale. Les zones périurbaines rurales, qui se sont développées depuis trente ans par l’arrivée de la classe moyenne de salariés, de plus en plus déclassée, sont les oubliées de la République. La classe moyenne des villes périurbaines est endettée, rejetée par cette société sans travail et sans projet. Elle est la proie de tous les populismes, des mouvements extrémistes qui peuvent l’appâter avec des chimères d’un autre temps. Les territoires les plus pauvres sont les plus dépendants de l’aide publique ; Marine Le Pen l’a parfaitement compris en recentrant son discours sur la défense d’un Etat fort et centralisateur.
La question des territoires est centrale et pourtant la réduction des inégalités sociales ne passe pas forcément par l’égalité spatiale. Un pays riche, par son histoire, sa culture, ses paysages, ne peut laisser des pans entiers se désertifier. L’économiste Laurent Davezies répertorie quatre France, dont deux (Une France productive, marchande et en difficulté, composée de bassins industriels déprimés et une France non productive, non marchande, en difficulté et dépendant des seuls revenus sociaux) qui représentent 20% de la population en situation très critique. Un seul espace marchand, concentré dans les métropoles, qui représente 36% de la population est dans une spirale dynamique, les 44% correspondent à la France touristique habitée essentiellement par des retraités et riche en services publics. Les revenus locaux d’origine « résidentielle » (séjours touristiques, résidences secondaires, actifs travaillant hors du territoire, retraités) sont devenus plus importants dans ces zones, et même bien supérieurs, aux revenus de la production.
 Il ne faut pas croire qu’à l’intérieur de chacune de ces France les inégalités n’existent pas. Ce ne sont pas les territoires qu’il faut aider mais les Hommes qui s’y trouvent. C’est seulement par cet effort de solidarité active, c’est-à-dire autrement qu’en versant quelques subsides pour obtenir la paix sociale, que nous pourrons retrouver de la vitalité territoriale. Pour rester en vie, un territoire devra sans doute favoriser la mobilité de sa jeunesse, l’aider à revenir afin qu’elle puisse un jour développer de nouveaux atouts en créant des entreprises capables d’entraîner d’autres créations. La France n’est pas un grand parc d’activité sans âme, elle reste un pays où bien des Hommes aimeraient vivre. La République doit agir pour être plus forte que la mondialisation qui cherche à la faire disparaître. Le capitalisme international n’a plus besoin d’Etats puissants.

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