Arnaud Viviant, de la revue des
Inrockuptibles, écrivit en 1996 à Michel Rocard au sujet d’un livre de Jeremy
Rifkin : « Combien de temps encore, à votre avis, nous faudra-t-il
subir un discours officiel obsolète, évoquant la baisse du chômage quand c’est
désormais de baisse du travail qu’il faudrait parler ?" Bientôt 20 ans et
nous ne n’en sommes pas encore sortis de ces discours lénifiants de la part de
nos élites politiques et économiques.
De 80 heures, on est passé à 60 heures,
40 heures et … tout cela grâce à l’amélioration de la productivité. Or, ces dix
dernières années la productivité n’a jamais autant progressé et le temps de
travail n’a plus diminué et même à augmenter pour faire profiter les
actionnaires et non plus les salariés. Entre 1970 et 2008 (d’après l’OCDE), la
population active en France a augmenté de 33,4% et les heures travaillées n’ont
diminué que de 6,6%, un écart qui explique en partie le chômage de masse que nous
connaissons. Aujourd’hui, la réduction du temps de travail est un sujet tabou
en France, et ce depuis les lois Aubry. Pourtant 40% des salariés n’ont jamais
eu accès aux 35 heures, et d’après l’INSEE 350 000 emplois ont été créés
directement suite à cette loi.
Il n’y a jamais eu de fatalité contre le
chômage et la précarité, il n’y a pas de raison que cela soit aujourd’hui. Il
suffit d’adapter la société afin qu’il y ait du travail, et non plus
obligatoirement de l’emploi, pour tout le monde. Si la baisse du temps de
travail est une possibilité qu’il ne faut pas écarter, elle ne peut pas être la
seule et surtout pas de façon autoritaire comme cela fut le cas avec les 35
heures. Il va falloir être plus intelligent dans le discours, plus fin dans la
technique. Un personnel soignant n’a pas les mêmes obligations qu’un plombier
ou un responsable de chantier dans le BTP. Cette affirmation me paraît
tellement évidente que l’on peut se poser la question sur la pertinence de
revenir sur ce sujet. Avec moins d’idéologie et plus de pragmatisme on aurait
déjà trouvé des solutions concernant le temps de travail sans lien avec
l’évolution de l’employabilité des actifs. Il est temps d’appréhender les
transformations du travail à l’heure du nouvel âge industriel dont la
révolution numérique est le moteur. Il faut défendre de nouveau les droits
sociaux associés à la mobilité et à la flexibilité
de l’emploi.
Nous sommes tous conscients, ou nous
devrions l’être, que de moins en moins d’actifs travailleront dans le secteur
marchand, il leur faudra bien trouver une occupation … rémunérée sous une forme
ou une autre. Et pourtant les tenants d’un capitalisme qui s’accrochent à leurs
privilèges soutiennent la faisabilité d’un retour au plein emploi. Ce mythe a
pour mission de détricoter notre modèle social. Sans plein emploi, l’assurance
chômage ou tout autre système comme le revenu de base (ou universel) deviennent
incontournables.
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