Conseil de lexture


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vendredi 27 février 2015

Chapitre 4 LA TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE EST EN MARCHE - JJSS et ses prophéties


 4.

La Troisième Révolution Industrielle est en marche

 

JJSS et ses prophéties / Jeremy Rifkin en digne successeur / Le coût marginal zéro et les investissements / Les piliers de la IIIème Révolution / L’Internet des objets

JJSS et ses prophéties
« Si, dans un monde en crise, notamment en crise énergétique, l’industrie automobile est l’une de celles qui partout souffre le plus, elle est au Japon en plein essor – grâce aux robots. Autrement dit grâce à l’utilisation totale de l’électronique miniaturisée. » Dès 1980 dans son livre « Le défi mondial », Jean-Jacques Servan-Schreiber (JJSS) annonçait une prochaine révolution industrielle. J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour cet homme brillant qui était plus un visionnaire qu’un politique. D’ailleurs est-il possible d’être l’un et l’autre en même temps ? Cela semble difficile, tant la réalité du microcosme politique nous démontre son incapacité à imaginer l’avenir ou tout au moins à le préparer. JJSS, un diminutif très pratique lorsque l’on a un patronyme composé, prévoyait une révolution de l’intelligence dans un cadre mondialisé. Il la comparaissait à ce qui s’était passé au moment de la Renaissance.
« L’incompréhensible, c’est le refus d’éclairer ces vérités neuves qui montrent les clés de notre avenir. » (Le Défi mondial p.348) Nous avons tendance à penser que nos responsables politiques et économiques sont toujours dans l’incapacité d’ouvrir les bonnes portes. JJSS s’est naturellement trompé, par exemple avec le Japon qui devait devenir un modèle pour tous les autres pays, mais il a eu le courage de chercher, de proposer et de nous faire rêver. Je recommande à tous ceux qui n’ont jamais lu « Le Défi mondial », et même à ceux qui ont eu la chance de le lire par le passé, de lire ou de relire la conclusion intitulée « Fin de la préhistoire ». Ces quelques pages sont tellement d’actualité que l’on a du mal à croire que JJSS a écrit ces pages il y a plus de trente ans. Qu’avons-nous fait pendant toutes ces années pour en être encore là ? Et, pourtant la technologie a tellement évolué depuis sans que l’on en tire les conséquences en terme d’environnement, d’organisation du travail ou de partage des fruits de la productivité. C’est une perte de temps aux dommages incalculables.
Dix ans plus tôt, à la fin de la préface de « Ciel et Terre – Manifeste Radical » JJSS et Michel Albert (ancien commissaire général au Plan) écrivaient : « Pour nous, il s’agit de comprendre que la révolution consiste à transformer, justement, les spectateurs en acteurs ; à laisser le jaillissement de la vie, plus complexe, plus fécond, plus créateur qu’aucune théorie et, si nous le voulons, qu’aucune économie, inventer enfin librement l’avenir. » Il ne faut jamais avoir raison trop tôt, aujourd’hui nous avons les outils pour exaucer leur vœu. La IIIème Révolution Industrielle est justement devant nous…

mercredi 25 février 2015

Chapitre 3 suite et fin : Quel nouveau contrat social ?


La société de consommation montre ses limites et nous entraîne vers des situations sociales difficilement gérables en raison de populations abandonnées de plus en plus nombreuses. Qu’ont-elles à perdre si elles ne peuvent bénéficier des « bienfaits » consuméristes ? En particulier les jeunes qui ne voient pas ce que l’avenir peut leur apporter en dehors du chômage ou des contrats aidés. Nous avons des pays riches avec des populations de plus en plus pauvres ce qui entraîne une crise de confiance de la part du plus grand nombre qui a le sentiment que cette richesse n’est plus pour eux ou pour leurs enfants.
Nous allons vivre dans un monde où la vie humaine n’a plus de valeur pour beaucoup de délaissés, donc un monde de plus en plus dangereux. Pas de travail, pas de pouvoir d’achat, pas de raison d’espérer dignement… la violence reste alors le seul moyen pour exister, posséder, être reconnu... Et pendant ce temps là, les classes privilégiées vont se protéger, s’enfermer dans des zones réservées. Nous pourrions voir apparaître des îlots de prospérité entourés de zones de non droit. Ce scénario là ne doit pas voir le jour.
Il est temps de proposer une vision renouvelée du pacte social et de la création de valeur. Les responsables politiques doivent repenser l’organisation de nos sociétés qui étaient jusqu’à présent organisées autour du marché et de l’Etat-Nation. Aujourd’hui et surtout demain, il va falloir associer le tiers secteur, l’économie collaborative. Ce n’est pas simplement un acteur supplémentaire qui accepterait les règles établies, mais c’est surtout mettre fin au dualisme Etat-marché. Définir une nouvelle théorie et un nouvel ordre peut nous amener à trouver un nouvel équilibre. L’Etat-Nation va perdre de son autorité, il va devoir repenser ses formes d’intervention. En ce début de XXIème siècle, ce sont encore et toujours les entreprises internationales qui font la pluie et le beau temps économique. Elles sont bien plus puissantes que beaucoup de pays. Le commerce international se moque de ces Etats ankylosés par le principe de providence. Quel contrat social ? Qu’allons-nous faire de tous ces talents sans emploi ? Le capitalisme et le socialisme sont-ils sur le point de devenir des théories du passé ?
Avant de changer le modèle économique, il faut en créer les conditions démocratiques. Le « vivre ensemble » nécessite que les responsables politiques proposent des alternatives, construisent dans la durée et rendent compte de leurs résultats. Le microcosme politique doit nous apporter la preuve de sa capacité à réformer, à rendre plus juste et à transmettre de l’espoir. La démocratie participative est le meilleur moyen de renouveler le dialogue entre les citoyens, la classe politique et les experts (syndicats, fédérations de parents d’élèves, media, universitaires…) à travers la consultation des citoyens et de leurs représentants et la planification (concept oublié qu’il faut actualiser et ré-initier au plus vite et à tous les étages d’une société réellement démocratique). Le capitalisme est incompatible avec un comportement social qui implique le partage, ou la coopération. L’économie collaborative peut rejoindre et dépasser une économie capitaliste en pleine dérive. Il représente déjà une économie parallèle d’envergure (coopératives, mutuelles, associations). Selon une étude PwC parue fin novembre 2014, le marché de l'économie du partage (la « sharing economy ») pourrait représenter 335 milliards de dollars (268,5 milliards d'euros) d'ici à 2025, contre 12 milliards d'euros en 2014. Cette alternative collaborative a été imaginée depuis longtemps. Même Alexis de Tocqueville s’y était intéressé.
Nous connaissons la fin, mais le parcours pour nous y amener est encore flou. La société va devoir revoir ses fondamentaux sur le travail, soit le temps libre sera imposé par le chômage ou le temps partiel, soit les fruits de la productivité seront équitablement partagés par la réduction continue du temps de travail et le temps libre sera alors vécu comme une conquête sociale et libératrice. D’un côté nous aurons de l’agitation sociale avec une minorité qui s’accrochera à ses privilèges jusqu’à la violence, et de l’autre une concorde fraternelle avec de nouveaux liens sociaux et une démocratie participative opérante.
Notre société capitaliste considère que la production est au centre de la fabrique du lien social, plus d’ailleurs que la question de la consommation. Or, l’objectif de la société devrait être de satisfaire les besoins humains et non pas de maximiser les productions. Associer des consommateurs soucieux de la qualité et des producteurs désireux de retrouver du sens à leur travail serait la base d’une cause commune. La classe politique se retrouve devant une double problématique. A court terme, elle doit trouver des solutions pour occuper les actifs et financer la société de la connaissance qui se met en place, et à long terme, concevoir un nouveau modèle de société où le profit ne sera plus au centre du système économique.
Les échéances sont difficiles à prévoir, mais la trajectoire vers un avenir automatisé et sans emploi pour les humains est irrévocable. Ce sont aux responsables politiques du monde de réfléchir aux différentes étapes qui soient les moins douloureuses et les plus sûres pour nous faire arriver à bon port, c’est-à-dire dans une société pacifiée, libre et joyeuse. Il faut arrêter de se renvoyer les responsabilités de la situation, nous sommes tous engagés dans une même aventure, les très riches, les classes moyennes et les plus pauvres. Peut-être qu’hier les mots Socialisme, Libéralisme, Capitalisme voulaient signifier un idéal dans un monde qui découvrait l’économie de marché. Je suis aujourd’hui persuadé qu’ils se retrouveront très vite dans les livres d’histoire lus sur des visionneuses numériques d’un monde émergent. Je ne sais pas quels seront les qualificatifs que nous utiliserons pour dessiner ce monde mais ils seront différents et seront significatifs d’un monde plus humain ou plus totalitaire, d’un monde laïque ou d'un monde dominé par le fait religieux, d’un monde égoïste ou collaboratif. Passerons-nous par le chaos ou serons-nous capables collectivement d’élaborer un nouveau contrat social ?

« Libérer l’homme de la nature sauvage a pris des millénaires ; libérer l’homme de l’économie sera la tâche d’une génération, la nôtre. »
Jean-Jacques Servan-Schreiber et Michel Albert « Ciel et Terre »

samedi 21 février 2015

Chapite 3 suite : La désindustrialisation sauvage


La question souvent posée est de savoir s’il est préférable de privilégier des zones d’emploi performantes, quitte à  en sacrifier des territoires, ou s’il faut maintenir coûte que coûte une pseudo égalité territoriale ? Malheureusement, on ne nous donne que le choix entre deux modèles productivistes, capitalistes ou collectivistes, qui me semblent de plus en plus inappropriés.
La désindustrialisation a commencé à la fin des années 70 et se poursuit sans cesse depuis. Elle a été plus rapide en France que dans les autres pays de l’OCDE. Le poids dans le PIB de l’industrie française est passé de 24% en 1980 à 14% en 2007, puis à 10% en 2012 (20% en Allemagne, 15,1% en Europe). L’industrie a perdu 1,9 million d’emplois (externalisation comprise) sur la même période soit 36% de ses effectifs. 70 000 emplois industriels disparaissent tous les ans, sur les quatre dernières années, la France a perdu un millier d’entreprises. Cette désindustrialisation a été stimulée en partie par les délocalisations répondant à deux logiques : se rapprocher des pays où la demande est forte et bénéficier de coûts de production les plus faibles possibles. Toutefois ces délocalisations sont loin d’être les seules responsables, l’augmentation de la productivité y tient une part importante.
La désindustrialisation est sauvage car elle n’a été à aucun moment planifiée, organisée pour éviter une tragédie sociale. Qu’est devenue la planification à la Française qui avait permis de sortir notre pays du sous-développement post Seconde Guerre Mondiale ? C’était à l’Etat de la maintenir. Les entreprises ont fait des choix de court terme, sans se préoccuper de la perte de savoir-faire, de la casse dans des familles entières ou de la balance commerciale française. Il fallait à tout prix maintenir les marges et par conséquent les bénéfices à verser aux actionnaires. L’Etat serait toujours là pour amortir les décisions économiques, se disaient-elles. Aujourd’hui certaines d’entre elles commencent à regretter ces choix malgré les coûts toujours plus élevés du travail en France, les entraves administratives et la fiscalité. Elles envisagent de rapatrier leurs productions car la technologie et l’automatisation finissent par coûter moins cher que les salariés asiatiques et surtout les coûts de transport, les normes, les réglementations.... On en voit les prémices et ils vont s’intensifier dans les années à venir … nous allons vers une ré-industrialisation sans emploi !
J’ai cru très longtemps que cette désindustrialisation était sans retour, que la France allait devenir la station balnéaire cotée de l’Europe. Je me suis trompé, et je n’ai pas été le seul, elle peut retrouver sa place de puissance industrielle, mais pas celle des XIXème et XXème siècles qui généraient le plein emploi, plutôt une place de choix dans le cadre de la IIIème Révolution Industrielle. Nous sommes un pays de producteurs, d’inventeurs et non  de rentiers. Si nous ne perdons pas de temps, cette désindustrialisation ne sera qu’un mauvais souvenir d’une période de transition économique. L’entreprise n’est pas l’ennemi du peuple si elle redevient le lieu de l’expérimentation, de la création et de la valeur ajoutée.

mercredi 18 février 2015

Chapitre 3 DES TERRITOIRES ET DES POPULATIONS DÉCLASSÉS - La fracture territoriale


3.

Des territoires et des populations déclassés

 

La fracture territoriale / La désindustrialisation sauvage / Quel nouveau contrat social ?

La fracture territoriale
Un territoire est tout autant un espace géographique que national, régional ou local, c’est un cadre pour mener des projets collectifs de développement. Or, en dehors des espaces métropolitains, on a le sentiment que ces projets collectifs sont en voie de disparition parce que la puissance publique n’a plus les moyens de les financer. Depuis plus d’un quart de siècle, les différentes crises ont été amorties par les aides publiques, la présence de l’Etat et des collectivités. Ils ont permis aux territoires de maintenir un développement artificiel. Les déficits publics et le sevrage des crédits empêchent désormais de poursuivre cette politique d’assistance généralisée. C’est ainsi que la crise des finances publiques ne fait qu’aggraver la situation économique d’une France colbertiste, c’est-à-dire centralisatrice.
Si la croissance est génératrice d’inégalités - il suffit de voir l’expansion des métropoles - elle a profité malgré tout à l’ensemble des territoires, par des politiques redistributives généreuses. L’économie de ce début du XXIème siècle n’est plus centrée sur les zones à bas coûts de main d’œuvre mais bien sur les zones métropolitaines où sont déjà concentrées les élites. Tout se vit et se décide dans les grands centres urbains. La ségrégation est en marche et la désertification ne proviendra pas de l’abandon de nos terres agricoles mais de notre réseau de villes moyennes périurbaines qui constituait la richesse de notre pays. La mondialisation capitaliste est en marche et ravage tout ce qui est faible ou devenu tel : organisations, territoires et êtres humains. Elle engendre également la montée inexorable des populismes. La volonté de réduire les dépenses publiques pour les rapprocher de la norme européenne est techniquement possible mais entraîne une déflagration pour cette France qui est déjà en grande difficulté. Va t-on laisser ces territoires sinistrés aux mains de l’extrême droite, les faisant passer par « pertes et profits » d’un pays qui doit être au soi-disant rendez-vous de la mondialisation ? Le retour à l’efficacité économique et le maintien de notre modèle social doivent-ils engendrer une inégalité territoriale dévastatrice ? L’aménagement du territoire et les investissements publics doivent être maintenus, c’est une question de survie républicaine. La responsabilité du politique est de faire des choix, surtout lorsque la période est délicate comme celle dans laquelle nous nous trouvons. La réduction des déficits publics va automatiquement pénaliser les territoires ruraux et périurbains par moins de recettes et avantager les territoires riches, et par conséquent les métropoles, par moins de prélèvements. Celles-ci sont bien les moteurs du peu de croissance que l’on est encore capable de dégager mais elles conduisent aussi à une catastrophe en terme de mode de vie consumériste. L’urbanisation excessive, les rythmes de vie effrénés, les pertes de repère culturel sont les principales causes d’un mode de consommation déconnecté du bonheur.
Il existe aujourd’hui une fracture territoriale, et non plus régionale. Les zones périurbaines rurales, qui se sont développées depuis trente ans par l’arrivée de la classe moyenne de salariés, de plus en plus déclassée, sont les oubliées de la République. La classe moyenne des villes périurbaines est endettée, rejetée par cette société sans travail et sans projet. Elle est la proie de tous les populismes, des mouvements extrémistes qui peuvent l’appâter avec des chimères d’un autre temps. Les territoires les plus pauvres sont les plus dépendants de l’aide publique ; Marine Le Pen l’a parfaitement compris en recentrant son discours sur la défense d’un Etat fort et centralisateur.
La question des territoires est centrale et pourtant la réduction des inégalités sociales ne passe pas forcément par l’égalité spatiale. Un pays riche, par son histoire, sa culture, ses paysages, ne peut laisser des pans entiers se désertifier. L’économiste Laurent Davezies répertorie quatre France, dont deux (Une France productive, marchande et en difficulté, composée de bassins industriels déprimés et une France non productive, non marchande, en difficulté et dépendant des seuls revenus sociaux) qui représentent 20% de la population en situation très critique. Un seul espace marchand, concentré dans les métropoles, qui représente 36% de la population est dans une spirale dynamique, les 44% correspondent à la France touristique habitée essentiellement par des retraités et riche en services publics. Les revenus locaux d’origine « résidentielle » (séjours touristiques, résidences secondaires, actifs travaillant hors du territoire, retraités) sont devenus plus importants dans ces zones, et même bien supérieurs, aux revenus de la production.
 Il ne faut pas croire qu’à l’intérieur de chacune de ces France les inégalités n’existent pas. Ce ne sont pas les territoires qu’il faut aider mais les Hommes qui s’y trouvent. C’est seulement par cet effort de solidarité active, c’est-à-dire autrement qu’en versant quelques subsides pour obtenir la paix sociale, que nous pourrons retrouver de la vitalité territoriale. Pour rester en vie, un territoire devra sans doute favoriser la mobilité de sa jeunesse, l’aider à revenir afin qu’elle puisse un jour développer de nouveaux atouts en créant des entreprises capables d’entraîner d’autres créations. La France n’est pas un grand parc d’activité sans âme, elle reste un pays où bien des Hommes aimeraient vivre. La République doit agir pour être plus forte que la mondialisation qui cherche à la faire disparaître. Le capitalisme international n’a plus besoin d’Etats puissants.

dimanche 15 février 2015

Chapitre 2 suite et fin : Et si l'absence de retour durable de la croissance était une bonne nouvelle ?


Il n’y a donc pas que la croissance pour donner un coup de pouce à l’économie en matière d’investissement, d’emploi et de baisse de la dette publique, surtout dans la perspective d’une société plus économe et plus humaine. Dominique Meda, la Philosophe et Sociologue française auteure de l’essai sur « La mystique de la croissance », plaide pour la sortie de cette logique capitaliste. Si tous les économistes ne sont pas encore convertis, la contrainte environnementale devrait très vite leur faire comprendre cette nouvelle limite. Si la croissance a apporté de très nombreux bienfaits, elle a également produit de nombreux maux que nous avons passés par « pertes et profits ».
Au cours du siècle dernier, le monde a connu une très forte croissance démographique et de production par habitant, comme elle n’avait jamais existé et comme il n’en existera certainement plus jamais. Nous avons vécu une période extraordinaire. Le XXIème siècle retrouve une double croissance plus mesurée et plus ajustée à la capacité d’absorption de la planète, en dehors du continent africain. La croissance démographique est déjà redescendue en dessous d’1% par an et la croissance de la production par habitant va être de l’ordre de 3  à 3,5% jusqu’en 2050 puis baisser à environ 1,5%. Il n’y a rien là de choquant et de dangereux pour la planète, si les pays riches maîtrisent leur consommation énergétique et si les pays émergents rattrapent leur retard en maîtrisant mieux leur croissance démographique. Le retour de la croissance vécue lors des Trente Glorieuses n’est pas prêt d’arriver. La croissance est tendanciellement en baisse, il est par conséquent temps que les responsables politiques qui nous dirigent cessent de l’espérer. Enfin, il est nécessaire de rappeler que le retour de la croissance contribuerait à aggraver la menace écologique. Notre réflexion collective doit se construire sur la durée, il est illusoire de croire qu’une baisse de quelques centaines de milliers de chômeurs nous dégagera un horizon plus clément. La reconversion écologique, grâce à la transition énergétique et à la révolution numérique, est le seul moyen de retrouver des marges en terme d’employabilité.
Encore une bonne raison pour oublier ce court-termisme dévastateur et s’il faut accepter une stagnation ou même une aggravation de la situation de l’emploi pour le bien-être à venir de la planète et des générations futures, il ne faut en aucune façon hésiter. Cette décision courageuse doit nous amener simultanément à gérer socialement ce chômage technologique par plus de solidarité et d’altruisme. Nos responsables politiques doivent avoir le courage d’expliquer que la croissance n’est plus la solution à tous nos maux. Sans celle-ci, il est nécessaire de réduire véritablement le temps de travail (et pas renouveler les erreurs des 35 heures) ou la productivité du travail. Ce choix cornélien n’ayant pas été réalisé au cours de cette dernière décennie, on a renforcé par conséquent le chômage.
Cette absence de croissance doit être une occasion unique de changer de paradigme. De la séquence AVOIR -à FAIRE -à ETRE, nous devons nous engager vers une séquence ETRE -à AVOIR -à FAIRE. Notre quête est de rechercher à être bien et ce avant d’imaginer ce qui nous permettrait de l’être et de faire en sorte de l’obtenir. Nous devons nous trouver dans un état positif et non de manque. Nous avons la responsabilité de construire autrement notre vie avec des approches idéologiques renouvelés, un développement économique durable et des outils de communication de plus en plus adaptés à cette prise de conscience. Le « toujours plus » n’est plus de mise, et la société qui se profile nous offre une alternative qu’il faudrait ne pas laisser échapper. La croissance productiviste qui engendre profits et richesses pour une minorité n’est plus la condition de bien-être et de progrès pour la majorité silencieuse.
La fin de l’économisme est devant nous, il est temps de créer un nouvel imaginaire en occultant quelque peu en sortant de la croyance que la satisfaction humaine prévaut sur l’équilibre entre la Nature et l’Homme. La finitude des ressources ne doit pas nous empêcher de construire ce nouvel imaginaire. Bien au contraire ! Nous avons trop transformé le monde, il faut maintenant le préserver.
« La fin du travail pourrait bien sonner le glas de la civilisation sous la forme que nous connaissons. Elle peut aussi annoncer l’avènement d’une immense transformation sociale et d’une renaissance de l’esprit humain. L’avenir est entre nos mains. »
 Jérémy Rifkin « La fin du travail »

samedi 14 février 2015

Chapitre 2 suite : Croissance, inflation et dette publique



L’inflation joue un rôle majeur dans la dynamique de répartition des richesses. Elle pénalise les épargnants et les créanciers, et favorise les emprunteurs car en réduisant le taux d’intérêt réel, elle réduit les charges. C’est un avantage pour tous ceux qui investissent et qui ne choisissent pas la rente comme mode de rémunération. Il serait utile d’indiquer aux banques centrales, qui en ont fait leur principal objectif, de laisser filer quelque peu cet ajustement inflationniste. Toutefois ce processus durable de hausse cumulative du niveau général des prix est difficilement contrôlable et rendrait les marchés instables. Nos responsables ne veulent surtout pas inquiéter la finance internationale, et lui faire perdre de l’argent. Et pourtant une inflation de l’ordre de 2 à 3 % permettrait à court terme de réduire la dette, objet de toutes les inquiétudes. Elle rendrait également l’épargne moins intéressante et inciterait à relancer l’investissement, objet de toutes les sollicitudes.
Une inflation de 2% alliée à une croissance de la production par habitant de 1% revient à une augmentation des salaires et des prix de l’ordre de 3%, et par conséquent une modification considérable des valeurs en une génération.

mercredi 11 février 2015

Chapitre 2 suite : Le progrès est-il infini ?

En 2014, le « Global Overshoot Day » était le 20 août, ce jour là nous avons atteint la consommation des ressources naturelles que la planète peut produire par an sans compromettre leur renouvellement. Selon l’ONG Global Footprint Network, c’est au début des années 1970 que l’Humanité a dépassé pour la première fois ses capacités de renouvellement. Aujourd’hui, le Japon aurait besoin de 7,1 Japonais pour subvenir à ses besoins en matière de consommation, la France n'est quand à elle 1,6 Français. Il est logique d’étudier les conséquences de la croissance sur notre écosystème et son corollaire qu’est le progrès pour ne pas accentuer cette catastrophe environnementale.
Dans notre société capitaliste, le progrès, très souvent étudié sous un angle quantitatif et scientiste, se développe de façon de plus en plus complexe et incontournable. Nous pouvons difficilement imaginer notre société délaissant le progrès, il faut simplement mieux le maîtriser. Le domaine des découvertes scientifiques est loin d’être exploré, il est fort peu probable que la fin de la science soit atteinte au cours de ce siècle. Nous avons commencé à explorer l’infiniment petit et l’infiniment grand et notre état de développement ne nous permet pas de savoir où et quand tous ces progrès vont s’interrompre. Par exemple, on s’attend à voir la puissance informatique être multipliée par un million d’ici vingt ans (l’ordinateur le plus puissant fait 33 millions d’opérations par seconde, il en sera 1 milliard de milliards avant 2020 et 1000 milliards avant 2030, ce qui est nécessaire pour analyser le génome, l’ADN entier d’un individu). L’Homme a encore une très grande marge d’action. Si nous considérons que nous sommes dans une structure finie, la complexité des lois de fonctionnement reste infinie. Cette affirmation n’étonnera pas les joueurs d’échecs qui, à partir d’un échiquier de 64 cases, continuent à imaginer des combinaisons malgré tous les travaux déjà publiés.
A notre modeste échelle d’être humain du XXIème siècle, nous pouvons considérer que le progrès est infini, mais alors… vers quel type de progrès devons-nous aller ? Si l’apparition de nouveaux métiers, l’accroissement des échanges économiques, culturels et scientifiques sont positifs, l’augmentation de la dangerosité pour la Planète, la destruction de son écosystème, le creusement des inégalités et la gouvernance technocratique des Etats ne peuvent nous laisser indifférents. Nous devons en permanence remettre en question nos acquis mais aussi intégrer que le progrès n’est pas automatiquement synonyme de bonheur.
Le capitalisme a réussi à créer de plus en plus de besoins s’appuyant sur le fait que l’être humain est en perpétuel état de transformation. Il a réussi ce magnifique tour de passe-passe de produire toujours plus de biens en aménageant la rareté pour maximiser les profits. Nous vivons dans une société où le sentiment de misère, de déclassement, d’exclusion est de plus en plus fort, et pourtant jamais le monde n’a été aussi riche, aussi pacifique, aussi peu malade malgré un terrorisme de plus en plus planétaire. En ce début de millénaire, nous découvrons enfin les moyens de dompter une nature hostile, mais il nous faut aussi espérer mieux maîtriser les conséquences des progrès engendrées par l’intelligence humaine. Nous devons être toujours plus vigilants et plus conscients de la dangerosité de l’Humanité pour elle-même et pour la Nature.
Si la robotisation et l’automatisation de la société sont inéluctables, le nombre de chômeurs va de nouveau exploser dans les dix prochaines années. Tous les secteurs des services vont être touchés, à l’exception de l’éducation, de la santé et de la culture. La machine va remplacer l’homme beaucoup plus vite que ce que les plus pessimistes avaient imaginé. Ces robots tueurs d’emplois, exemple de progrès par excellence, vont participer à la fragilisation du système capitaliste. Et pourtant ce progrès est inéluctable quel que soit le système économique dans lequel il se produit. Une étude du cabinet Roland Berger précise que le besoin en investissement sera de l’ordre de 60 milliards d’euros pour les entreprises françaises d’ici 2025 mais que la dégradation de l’emploi sera de plus de  3 millions d’actifs. Preuve supplémentaire que le Pacte de stabilité du gouvernement est très éloigné de la réalité. Il faudra bien se poser la question de l’emploi autrement qu’en terme d’indemnisation. Le chômage technologique est une réalité intangible qu’il va falloir résoudre par une approche autre que capitalistique.
Comment amortir cette déflagration économique ? Bâtissons une nouvelle Utopie, c’est aussi cela le Progrès. Nous ne pouvons pas enfermer l’Homme dans la seule dimension économique, la prochaine étape collective est de dépasser l’Homo economicus. Il est par conséquent indispensable de créer un électrochoc auprès de nos concitoyens, de les sensibiliser aux enjeux des décennies à venir pour qu’ils participent activement auà ce projet politique nouveau qui devra faire une place à un progrès conçu dans une dimension autre qu’économique.

mercredi 4 février 2015

Chapitre 2 suite : La politique soi-disant salvatrice de l'offre

La politique de l’offre poursuivie par Manuel Valls ne permet ni de soutenir la demande à court terme, ni d’élever le potentiel de croissance à long terme. Quel est l’objectif de ce gouvernement de gauche qui relance une politique appartenant aux années 80 du Président américain Ronald Reagan ? La théorie veut que dans une économie peu compétitive, la priorité soit donnée aux entreprises pour qu’elles produisent davantage de produits et de services, et ceci afin d’obtenir une croissance élevée à moyen et long terme. Pour concrétiser cette politique de l’offre, le gouvernement doit réaliser des économies budgétaires pour les redistribuer vers les entreprises par un allègement de leur fiscalité. Ainsi, elles seront plus compétitives pour investir et embaucher. D’après la loi de Say, l’offre crée sa propre demande. Toutefois la politique de l’offre n’a jamais été au rendez-vous des plus démunis. Elle a surtout augmenté les inégalités en favorisant les plus riches parce que la valeur créée n’est pas répartie équitablement, elle l’est au profit exclusif des entreprises.
Il est illusoire de vouloir opposer la politique de l’offre et celle de la demande car elles visent le même objectif à moyen terme, permettre aux entreprises de faire des bénéfices puis de recruter. En refusant la politique de l’offre, nous avons tendance naturellement à privilégier la politique de la demande tout en connaissant les limites de celle-ci. Cette politique peut être délicate dans un environnement économique où la compétitivité des entreprises n’est pas au rendez-vous. Elle donne la priorité à la relance économique en favorisant la consommation, et par contrecoup bénéficie aux entreprises par une hausse de la demande. On se rend compte que dans les deux cas on part du principe que les entreprises, retrouvant des marges, investiront puis embaucheront. Cette automaticité est aujourd’hui fausse, les entreprises n’ont plus besoin de recruter pour produire davantage et en tirer des bénéfices supplémentaires et la demande sert surtout à importer des pays d’Asie. Elle cause des déficits sans générer d’emplois. Il est essentiel de se convaincre que ces théories ne répondent plus à notre société développée. Sortons de cette idolâtrie qui oppose les entrepreneurs aux autres citoyens. L’amélioration de la compétitivité de nos entreprises vis à vis de leurs concurrentes européennes est compréhensible, mais le choix du gouvernement sacrifie une nouvelle fois l’emploi et les services publics et n’engage pas la France sur le chemin de la Troisième Révolution Industrielle. L’environnement européen qui frôle la stagnation ne sera pas en mesure de porter une nouvelle capacité exportatrice de nos entreprises et ne leur donnera pas les moyens de recruter. Il est temps d’annoncer clairement que la croissance n’est plus incontournable pour que le progrès soit continu.

lundi 2 février 2015

Chapitre 2 SORTIR DE LA LOGIQUE DE CROISSANCE - La croissance est aux abonnés absents


2.

Sortir de la logique de croissance

 

La croissance est aux abonnés absents / La politique soi-disant salvatrice de l’offre / Le progrès est-il infini ? / Croissance et inflation / Et si l’absence de retour durable de la croissance était une bonne nouvelle ?

En entendant le Premier Ministre Manuel Valls nous rappeler très régulièrement qu’il n’y a pas d’alternative à la politique gouvernementale, il me revient à l’esprit le nom de la responsable politique qui a incarné le capitalisme de la fin du XXème siècle : Margaret Tatcher. Elle avait pris pour slogan de sa politique d’austérité : « There is no alternative » (TINA). Les majorités qui nous gouvernent depuis plusieurs décennies proviennent de familles politiques différentes mais leurs politiques ont une même inspiration. Il faut tout faire pour avoir un maximum de croissance car sans elle notre société est condamnée à péricliter. Ne faisons-nous pas fausse route et n’arrivons-nous pas au bout de cette période intermédiaire ? Le capitalisme, et pourquoi pas le socialisme de la production, sont-ils sur le point de devenir des théories du passé ?

La croissance est aux abonnés absents
Le gouvernement socialiste s’évertue à nous faire croire que la croissance va revenir, comme le faisait les précédents gouvernements sous des majorités différentes. Ils nous trompent depuis tant d’années et depuis autant d’années ils essaient d’acheter la paix sociale par des déclarations qui ne sont mêmes plus écoutées par le peuple. Notre croissance est quasiment nulle, et ce n’est ni la santé économique européenne, ni les diktats de l’Allemagne qui vont nous aider. Il est temps d’expliquer aux Français que la croissance est au mieux modérée, autour de 1%, et que même une poussée inhabituelle ne permettrait en aucune façon de retrouver le plein emploi. Le Pacte de responsabilité du gouvernement Valls pourra au mieux créer 200 000 emplois seulement. Que vont devenir alors les millions d’inactifs qui sont au bord de la route et qui se rendront compte une nouvelle fois que toutes ces promesses ne valaient rien. Il va bien falloir un jour avoir un discours de vérité : pas celui que l’on nous sert constamment sur les efforts que nous allons tous devoir faire, mais bien un discours économique sur la théorie de la croissance.
L’économie est une science et les derniers travaux de Thomas Piketty apportent des analyses précises sur la croissance des deux derniers siècles. Depuis le début de l’ère moderne, la croissance normale est de 1 à 1,5% par an, au-dessus nous nous retrouvons dans des périodes exceptionnelles, comme celle de l’après guerre pour l’Europe ou de rattrapage accéléré pour la Chine de la fin du XXème siècle, avec 3 % ou plus. Une croissance de l’ordre de 0,1 à 0,2% quant à elle ne transforme quasiment pas la société, et se pose alors un problème de répartition et de redistribution des richesses. Pour les décennies qui viennent la croissance mondiale sera de nouveau autour de 1% si de nouvelles sources d’énergie permettent de remplacer les actuelles. Avec 1% de croissance annuelle, une société se renouvelle profondément mais ne résout pas la pandémie du chômage de masse. Sur trente ans, soit un peu plus d’une génération, la croissance cumulée est de l’ordre de 35% et permet l’apparition d’un monde économique totalement différent. Que de changements dans notre vie quotidienne depuis l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir, et sans avoir les taux de croissance des Trente Glorieuses ! Cette période est trompeuse car, inscrite dans notre imaginaire collectif, elle nous permet de croire qu’il est possible de retrouver cette forte croissance. Rappelons qu’elle était la conséquence de conflits militaires sans précédents. Tout cela est illusoire, cet âge d’or est derrière nous et un retour d’une telle croissance serait la conséquence d’un nouveau conflit militaire majeur, bref le risque d’une évolution mortelle pour la planète.
Il n’est pas question de nier qu’il vaut mieux une croissance de 1% qu’une croissance nulle, et qu’elle génère des bienfaits, mais fonder toute une politique sur un retour de la croissance et ce dans un monde de sous-emploi et de pollution est au mieux une erreur de diagnostic, ou au pire une faute grave qui mérite le renvoi de ceux qui nous gouvernent. Avec des taux de productivité de l’ordre de 3% par an et une démographie qui génère un solde entrants / sortants du marché du travail toujours positif, une croissance « normale » serait de toute façon insuffisante. Alors avec une croissance aux abonnés absents …
Notre richesse n’est plus dans la croissance matérielle ou dans l’accumulation des biens. Nous vivons la fin de l’économisme triomphant.