Le journal en ligne
« L’inconditionnel », journal sur le revenu de base (www.linconditionnel.info) donne la définition suivante : « Revenu
de base inconditionnel, revenu universel, de citoyenneté, d’existence, de dignité,
allocation universelle… Quel que soit le nom qu’on lui donne, l’idée de verser
à tous un revenu déconnecté de l’emploi, de la naissance à la mort, fait son
chemin. En garantissant à chacun les moyens de son existence, le revenu de base
permettrait de lier plus harmonieusement solidarité, justice et liberté. »
Cette définition ne devrait plus porter à débat. Il est universel, individuel
et inconditionnel.
Le plus grand service
que l’on pourrait rendre à cette disposition révolutionnaire est de ne pas se
précipiter et de la proposer au bon moment. Le faire aujourd’hui serait la
meilleure façon de l’enterrer pour de longues années. Le revenu de base est un
élément fondateur d’une société collaborative à venir. Il ne peut être une
tension entre ceux qui travaillent en gagnant modestement leur vie et ceux qui
sont à la recherche d’une activité. Le revenu d’existence n’est pas une
prestation sociale nouvelle, il n’a aucun lien avec l’assistanat. Il faut d’abord éliminer les freins
psychologiques. Nous sommes davantage face à des questions de pédagogie et
d’application. C’est une mesure avant-gardiste difficile à promouvoir dans une
société productiviste, de compétition où le travail et sa valorisation financière
sont les éléments marqueurs. C’est une dotation inconditionnelle de revenu,
c’est-à-dire qu’elle est destinée à tous les adultes. Elle doit permettre la
suppression de la quasi totalité des allocations. Il n’est pas question de charité ou d’assistance comme
cela existe aujourd’hui avec le RMI (revenu minimum d’insertion créé en 1984)
ou RSA (revenu de solidarité active créé en 2008). Il n’est pas question
d’acheter la paix sociale. Le revenu de base est un élément d’égalité et un
plus en terme d’harmonie sociale.
Ce
revenu de base remplacerait tous les revenus non productifs (indemnités de
chômage, retraites, RMI, allocations familiales, bourses d’étude, crédit
d’impôt,…).
Dès 1516, Thomas More dans son livre
« L’Utopie » imagine un revenu pour tous. Au XIXème siècle, Charles
Fourier et les phalanstères défendent l’idée que l’Homme a droit à un
« minimum de subsistances abondantes » pour avoir violé ses droits
fondamentaux de liberté de chasser, pêcher… La providence a mis à disposition
des ressources naturelles qui appartiennent à tous pour subvenir à leurs
besoins. Fourier appelle cela « un dividende territorial ». Dès 1930, Keynes prédisait qu’un siècle plus
tard, on ne travaillerait plus que quinze heures par semaine et qu’il faudrait
imaginer un revenu complémentaire. A la fin du XXème siècle, Robert Theobald
a proposé de casser le lien entre revenu et travail en créant un revenu
indépendant de la fonction dans l’économie. Chaque individu a droit à une part
de la richesse mondiale quelque soit ses compétences, son expertise et sa force
de travail en donnant naissance à un revenu garanti. La liste des auteurs sur
ce sujet est déjà longue, la véritable question est sur l’opportunité de sa
mise en application.
Quand ? et comment le faire accepter, en particulier par ceux qui
pourraient être les premiers bénéficiaires et qui pourraient en être les
premiers détracteurs ? Il ne doit pas être perçu comme une remise en cause
du droit social.
Il est temps de reconsidérer la sécurité
économique face aux défis du développement technologique et de la mondialisation.
Les machines ou robots qui vont remplacer les travailleurs font partie d’un
héritage collectif et non un outil privé.
Aujourd’hui,
l’idée de revenus et d’enrichissement sont liés à notre travail, la richesse
cela se mérite !!! Et pourtant
seulement 41% du revenu provient du travail rémunéré, les 59% restant sont des
revenus de transfert non lié au travail.
Est-il
déjà d’actualité de découpler l’emploi du revenu ? La réduction du temps
de travail va obligatoirement entrainé ce découplage sans quoi nous allons
assister à une révolte populaire, une jacquerie comme l’histoire n’en a jamais
connue. Avec la
disparition de l'emploi et des revenus s’y attachant, ce sont les propriétaires
et les classes supérieures qui vont conserver leur pouvoir si aucune mesure de
rétrocession n’est engagée. Nous ne devons jamais manquer de rappeler que tous
les Hommes sont égaux en droit.
Naturellement que ce revenu de base
participe à une profonde mutation de la société, d’une société productiviste à
une société d’abondance, et qu’il nécessite de revisiter l’ensemble de nos
politiques sociales, en particulier en matière de financement.
Le revenu de base est une remise en cause
intégrale de notre statut de producteur consommateur. La transformation des
modes de travail, la fin de l’employabilité, le développement de l’artisanat
numérique vont engendrer de nouvelles approches économiques. Ce revenu d’existence
redonne au citoyen un choix de vie plus libre quant aux modes de production. Ce
n’est pas un système qui élimine le travail mais au contraire qui le régénère
et favorise l’expression de toutes les formes de travail. Le développement de
biens communs, librement partagés par une communauté d’individus, va être
stimulé par cette indépendance financière. La préoccupation quotidienne de
subvenir à ses besoins de base ne sera plus une réalité pour nos enfants. Ils
pourront développer leur créativité sans contrainte matérielle. Notre
contribution à la société sera alors dénuer d’enjeux de pouvoir et l’altruisme
redeviendra un principe fondateur de la communauté humaine. Ce revenu universel
sera alors la sécurité sociale de cette fin de siècle et pourra être mis en
place quelque soit le niveau économique du territoire. Pour Eric Dacheux et
Daniel Goujon (« Allocation
universelle et économique : une alliance au nom de la démocratie » -
Mouvements, 2013/1 n°93), il n’y a « pas de société démocratique sans
participation politique, et pas de participation politique sans un minimum
assurant la subsistance de l’individu ». C’est l’outil démocratique
indispensable pour assurer la mutation technologique à laquelle nous assistons.
Ce défi est celui de la génération à venir pour sauver l’espèce humaine. Une
raison supplémentaire pour imaginer des solutions qui dépassent la notion d’ici
et maintenant chère à nos responsables politiques qui nous gouvernent.
« L’emploi
est mort. Vive le travail. »
Bernard Stiegler
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